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SEMAINE DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 1917
29 janvier 2017
L’impact du conflit dans la société civile se fait ressentir dans tous les aspects de la vie quotidienne. La nourriture et la famille font partie des préoccupations majeures des français au travers du journal Le Pays Baugeois (90 JO 1). Les privations continuent de s’étendre tandis que la population décroit. Dans ce contexte, la question de l’infanticide et des enfants Boches est particulièrement épineuse. Les questions familiales prennent ainsi une dimension nouvelle en temps de guerre et les lois qui s’appliquent jusqu’ici s’opposent désormais à la fierté et au patriotisme national.
L’Enfant de l’Invasion
Légende : L’Enfant de l’Invasion (Le Pays Baugeois du 4 février 1917. 90 JO 1)
La question des enfants nés d’une mère française et d’un père allemand est un sujet « douloureux » dans la société française pendant la guerre. Le sort réservé à ces futurs citoyens, ainsi que celui des mères qui ne les ont pas désirés, suscitent de nombreux débats. Une affaire d’infanticide est ainsi jugée à la cour d’Assises de la Seine. Une jeune femme, servante à l’hôpital de la Croix Rouge allemande, a été « contrainte » par des soldats allemands au début de la guerre : « un jour, six soudards germaniques l’environnèrent et abusèrent d’elle ». Il s’agit de la « maternité imposée par la violence, par l’ennemi, dans son abominable ruée sur le sol français ». La jeune femme mène néanmoins sa grossesse à terme, « accoucha clandestinement et se débarrassa du nouveau-né en le jetant dans une fosse d’aisance ». Lorsqu’elle est arrêtée, elle s’écrie alors : « c’était un Boche et je n’en voulais pas ! ». Les lois françaises punissent l’infanticide, qu’il soit issu d’un viol ou non, mais les réalités de la guerre révisent la législation en la matière. La question est de savoir si la France veut élever des enfants dits « ennemis » sur son territoire, issus du viol des femmes françaises : « les lois françaises vont-elles imposer aux femmes de France, victimes des plus odieux outrages, l’obligation de donner le jour et d’élever le fruit de ces indignes violences ? […] l’enfant né de la violence d’un ennemi détesté peut être supprimé sans qu’il y ait de crime » ? Quels sont les droits des victimes ? La jeune femme est finalement acquittée, mais l’opposition reste malgré tout forte face à la décision du jury. Le plaidoyer de son avocat résume cependant à lui seul la pensée patriotique du pays : « ces victimes doivent-elles se laisser faire jusqu’au bout et abâtarder la race française en jetant au milieu de notre société civilisée, ces fils de goujats, ces enfants de brutes et de barbares ? […] Périsse plutôt la France, dont la natalité décroit, que de la voir vivre que par l’apport du sang allemand ! ».
Le régime des deux plats
Un nouveau décret vient frapper les commerçants français en instaurant la réduction des plats dans les restaurants. Des nombreuses activités liées à cette profession voient déjà la fin de leurs affaires, mais Le Pays Baugeois relativise : « on se mariera bien sans qu’un festin pantagruélique soit indispensable pour sceller l’union des nouveaux époux, et croyez-vous que les convives des banquets – des banquets en temps de guerre ! fi ! – seront moins en forme […] tandis que les autres sont dans la misère et dans le deuil. Voyons franchement, est-elle digne d’un instant d’attention ? ». Préférant voir les vertus de deux plats dans un repas, l’auteur poursuit : « voilà de la saine économie domestique. On va manger sobrement […] M. Herriot administre ; il a soin de notre estomac, il nous dose notre nourriture, il nous rationne avec élégance » et ce régime est préconisé par de nombreux médecins.
Le troupeau français
« Après trente mois de guerre, il est bon de savoir ce qu’est devenu notre troupeau national, qui s’était trouvé si mal en point six mois après la mobilisation générale ». Le cheptel français se porte bien et les autorités ont réussi à réduire la diminution catastrophique de la population porcine et bovine. « La croissance de l’espèce ovine s’accélère » même grâce à l’importation des moutons d’Algérie et du Maroc. « Sans nos grandes colonies d’Afrique du Nord, nous serions tributaires de l’étranger, nous, pays de cultures et d’élevages par excellence ». Un hommage au général Lyautey est donc rendu, en tant qu’administrateur de la nouvelle colonie du Maroc.
Les As français
Les aviateurs français sont à l’honneur dans cet article qui admire le nombre d’appareils ennemis descendus. Les Allemands essaient de faire croire quant à eux qu’ils n’ont perdu que 221 appareils mais l’ «activité de nos services de reconnaissance aérienne est très grande » et fournit des informations précises. 417 avions ont été abattus en 1916 tandis que la chute de 195 autres n’est pas confirmée. « Nos as rivalisent de prouesses ; c’est ainsi que l’aviateur Guynemer en est à son trentième appareil ennemi détruit ».