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SEMAINE DU 25 AU 31 DÉCEMBRE 1916

25 décembre 2016

Les fêtes de fin d’année sont l’occasion pour la presse de donner la parole aux combattants et de mettre l’accent sur la solidarité de la société française. Le journal L’Illustration (PER 147/28) propose, au travers de reportages photos et de longs articles thématiques, de mettre en avant les victoires et les héros de la guerre.

 
Légende : Noël 1916 (couverture de L’Illustration du 16 décembre 1916. PER 147/28)

Le Noël des chalutiers

Rarement cités et pourtant indispensables à la conduite de la guerre, les équipages de la flotte française sont mis en avant dans cet article de L’Illustration. « Que font-ils, ces enfants perdus de la mer dont on n’entend jamais parler que quand il leur arrive malheur ? Exactement comme tous les autres jours de la guerre car, fête ou non, les navires qu’ils ont pour mission de protéger n’en continuent pas moins leur route et, de même que la chasse aux pirates boches, la lutte avec les éléments n’admet pas une seule heure de trêve ». L’auteur propose donc une relecture de ces derniers mois au travers de la correspondance d’un marin embarqué sur l’unité de la Marie-Rose, qui a participé au sauvetage des serbes. Il nous décrit ainsi sa vie quotidienne, les embarquements et les escortes à travers les ports de la Méditerranée, la chasse aux sous-marins et les tempêtes qui font exploser les munitions. Le 24 décembre 1916 au soir, les matelots ont droit à une double ration de vin chaud, mais une lame passe alors et vient « saler le précieux nectar » ; « la faute à ce cochon de Guillaume ! ». Les petits chalutiers ne goûtent pas « les rafraîchissements que connaissent les poilus  […] Quant aux « permes », ils ne les connaissent que de nom ». Ils sont « toujours à la peine et jamais à l’honneur […] Il n’est que justice de les associer ici aux innombrables Héros pour lesquels prient ceux d’entre nous qui savent encore, et dont les autres se souviennent avec autant de tendresse que de religieuse fierté, en ce troisième Noël de guerre ».

Le prix Goncourt de la guerre

 


Depuis le début du conflit, le prix Goncourt est réservé à des auteurs combattants. Le premier d’entre eux à l’avoir obtenu est René Benjamin avec son roman Gaspard, en 1915. L’année 1916 voit le sacre de deux autres romanciers, Henri Barbusse avec Feu (journal d’une escouade) et Adrien Bertrand avec l’Appel au sol. Henri Barbusse est un engagé volontaire de 43 ans au 231e d’infanterie, mais aussi poète, romancier et rédacteur en chef de Je sais tout avant guerre. Il est déjà connu pour son recueil de poèmes les Suppliants et un roman, l’Enfer. « Ce sont ses impressions de soldat et plus spécialement de brancardier que M. Henri Barbusse décrit dans son livre », parut en feuilletons. Il raconte au jour le jour la dure vie des combattants et leur mort obscure. « Les horreurs de la guerre sont évoquées avec une puissance singulière » et mettent en scène des « tableaux où passent des hommes qui perdent peu à peu leur forme humaine sous la couche de boue qui les enveloppe, sous leurs défroques, sous toutes leurs souffrances physiques, et qui deviennent des ombres ». Ce livre laisse « une impression douloureuse » mais l’auteur de l’article regrette qu’il « n’ait laissé entrevoir, dans son émotion, le prix par lequel tant de souffrances seront certainement payées : la victoire et ses libérations ».

Le rapprochement des classes


La solidarité et l’union de la société française en ce Noël 1916 est d’autant plus palpable que c’est la troisième fois que cette fête est célébrée en temps de guerre. Pourtant, c’est bien le concept de classe sociale, de division, qui intéresse l’auteur de cet article. Il se demande : « comment, avant la guerre, les classes se connaissaient-elles ? ». Selon lui, elles vivaient alors dans un climat de méfiance et d’antagonisme qui représente leur état habituel. Elles ne se fréquentent pas, « n’en n’ayant pas plus l’occasion que le désir […] les conditions de chacune les tenaient séparées, isolées ». « Mais les classes – et principalement les populaires – ont des chefs qui sont leurs maîtres, de toutes les façons ils les mènent le plus souvent là où d’abord veulent aller, là où les attirent et les conduisent leur calcul égoïste et variable, le jeu de leur orgueil et de leurs appétits, de leurs ambitions et de leur vengeances politiques ». Les classes pauvres, travailleuses, moyennes, aisées, riches et dirigeantes « ont ainsi d’énormes difficultés à prendre une juste notion les unes des autres » et se répartissent en nombreuses catégories étrangères et jalouses. « Et puis la guerre est venue, qui a bouleversé le monde […] Non seulement la guerre les a réunies, elles les a momentanément supprimées. Au front, il n’y en a qu’une : celle des soldats […] Quelle école de considération réciproque peut valoir le coudoiement des tranchées ! […] Le fameux programme d’égalité et de fraternité se trouve enfin rempli… […] L’imminence et l’universalité du danger ont pu seuls réaliser cette cohésion nécessaire et inspirée. Chacun s’oublie pour ne songer qu’a tous ».



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