Les liens entre le front et l’arrière

Cartes postales patriotiques et fantaisie

Ces  cartes postales ont  été numérisées par les Archives départementales de Maine-et-Loire dans le cadre  de la Grande collecte en janvier 2014.

La guerre longue qui s’installe entraine une  longue séparation  physique et géographique entre les soldats mobilisés et leur famille. Pour la majorité d’entre eux, les poilus devront attendre  plus d’un an leur première permission. Le seul lien qui leur reste alors réside dans une correspondance exceptionnellement  active : on évalue à plus de 1 million et demi de lettres et de cartes postales  envoyés par jour durant le conflit. Dans les premiers mois, l’armée met à disposition des cartes postales militaires vierges prêtes à l’emploi mais ce sont surtout les modèles illustrés de dessins ou de photographies en noir et blanc et colorisés qui connaissent le plus grand succès. Plus de 80.000 modèles sont imprimés pendant la guerre  offrant aux familles un moyen facile d’écrire aux soldats et aux services de censure postale d’effectuer un contrôle plus rapide. A Angers, c’est notamment l’éditeur B.Bruel  rue Plantagenêt qui propose à la vente à grand renfort de publicité dans la presse des centaines  de cartes postales réassorties très régulièrement. Les  thématiques patriotiques, revanchardes et anti-allemandes  du début de la guerre  sont complétées jusqu’à  la victoire de 1918  de thèmes plus légers  sur la vie quotidienne du poilu, son retour ou son absence  dans le foyer ou sur des thèmes plus grivois autour du permissionnaire et du sentiment conjugal.

A côté des cartes conventionnelles de troupes, de chefs militaires  et de lieux dévastés, deux catégories de cartes apparaissent au cours de la guerre ; ce sont les cartes dessinées  satiriques et les cartes dites fantaisie-patriotique la plupart du temps sous forme de photomontage. Les deux cartes postales suivantes en constituent des  exemples intéressants.

La première porte un regard amusé et distancé sur l’encombrant barda du poilu : comme souvent dans ce type d’illustration il faut lire en filigrane des pointes d’ironie prudente à l’égard de la vie militaire. Ces cartes permettent d’évoquer les soucis  quotidiens du poilu tout en restant conforme aux contraintes  de la censure. La deuxième édulcore la douleur de la séparation et de l’absence du mari parti combattre dans un jeu de hasard patriotique où le sentiment de l’épouse ne peut être qu’un hommage sublimé aux valeurs de l’homme combattant : admirable, héroïque, brave…

Le choix individuel par son expéditeur de tel ou tel type de carte postale  est difficile à cerner. Il témoigne moins d’une volonté de montrer son adhésion aux valeurs patriotiques et militaires de ce temps de guerre  que de la volonté de maintenir un lien entre l’absent parti  sur le front et les civiles à l’arrière, objectivé par des images qui sont toutes des stéréotypes sociaux précédents le conflit.

Pour aller plus loin

Annoncer la mort

L’année 1914 sera proportionnellement la plus meurtrière de toute la guerre. Les régiments angevins engagés dans la bataille des frontières subissent de lourdes pertes dès les premières semaines. Les familles sont informées  du décès d’un soldat le plus souvent par la lettre d’un camarade, issu du même village ou du canton, les régiments ayant un recrutement régional. Elle est suivie, bien plus tardivement, de l’annonce officielle du décès ou de la disparition par les autorités régimentaires. C’est au maire ou à son adjoint qu’il revient d’aller confirmer auprès de la famille le décès du mari ou du fils selon une formulation administrative qui évoluera peu au cours du conflit.

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